Une bourgade indienne Petit-Goave

Après la ville de Miragoäne, nous vous présentons Petit Goâve,
L'une des plus anciennes villes d'Haïti. Elle a pris naissance alors que le pays était habité par les Indiens "Les Taïnos". Nous savons qu'à cette époque le pays était divisé en cinq royaumes ou Caciquats. Petit Goâve était dans la province de Yaguana, Caciquat du Xaragua où régnait le Cacique Bohéchio frère d'Anacaona.
La monographie de Petit Goâve est présentée, par un de ses fils, depuis sa naissance comme une Bourgade indienne.
Voici comment Nemours Rigaud nous en parle : "Petit-Goâve" publié par les éditions de l'action sociale en 1954.


UNE BOURGADE INDIENNE


GOâVE: Une "baie" admirable qui donne accès à un coin charmant!
GOâVE, nom à résonnance indienne qui chante l'admiration des Xaraguéens.
Les Espagnols, à la fin du XVIe siècle, appelleront AGUAVA la bourgade voisine qu'ils ont construite. Et les Français, de ces deux agglomérations toutes proches, en feront le Grand-Goâve et le Petit-Goâve.

Dans la province de Yaguana, ce site au fond de cette baie remarquable, est attrayant. Et une petite bourgade somnolente s'y établit tirant son nom de ce qui caractérise sa beauté, c'est-à-dire de sa merveilleuse baie.

On l'imagine, cette minuscule bourgade construite de cabanes de pécheurs,
de forme circulaire, recouvertes de feuilles de palmiers ou de roscaux.
Ce lieu peut abriter des idylles, attirer ceux qui ont le sentinent de la nature ou qui recherchent une inspiration. La région des Montagnes Contrées est peuplée de ces aborigènes d'élite et encore faut-il croire que l'on en compte des écrivains, puisque certains historiens signalent des inscriptions indiennes sur les parois de la voûte naturelle que réalisent deux montagnes qui se touchent par le sommet. Ne sont-ce pas deux Muses qui s'embrassent? Cette terre est une terre de prédilection de la pensée et de la culture en "Ayti"(nom indien d'Haïti). Les Taïnos habitent cette contrée et on y parle le ""marcorix"". 

Le dialecte, en effet, est le plus harmonieux et peut-être le plus ancien. Et ce cirque de montagnes et ce "goâve" pittoresque ne peuvent pas manquer d'attirer les sambas (poëtes) ou des promeneurs en quête de beaux paysages. Qui nous empêcherait alors de croire que l'incomparable Guanahattabenechena, I'une des trente-deux odalisques de Bohéchio n'y aurait pas pris naissance et n'y aurait pas grandi? Qui nous empêcherait encore de croire que la belle et jeune Higuenamota (fille d'Anacaona) ne serait pas venue en compagnie de son fiancé Hernando Guevara abriter son amour dans les rochers de Béatrice? Et l'imagination toujours aidant, pourquoi ne les verrait-on pas tendrement enlacés sur le sable blanc de la plage qui s'étend à l'entrée de la baie, sous le regard complaisant d'Anacaona qui leur déclamerait des areytos charmants, accompagnée par le rythme régulier des vagues? Pourquoi l'Adelantado n'aurait-il pas traversé cette bourgade dans ses multiples explorations de la province de Yaguana?

Pourquoi l'Alcaïde Major n'y serait-il pas venu se reposer pendant sa rébellion? Pourquoi, enfin, les hildagos n'y auraient pas admiré, dans quelques danses au clair de lune, de séduisantes et jeunes indiennes. aux longs cheveux couronnés de fleurs et portant dans la main des rameaux de palmier?
On rencontrait encore, il n'y a pas longtemps, des descendants de ces Indiens sur les habitations Lebrun et Pourlardier..

Mais, en 1493, les hommes de la bourgade doivent la quitter pour la guerre. Bohéchio s'est enfin décidé, sous l'influence de sa soeur, à se rallier à la ligue contre Guacanagaric Les Xaragucens vont envahir le Marien pour paralyser le pusillanime cacique, I'allié des étrangers qui ont assujetti les autres caciquats à payer en or un lourd tribut. L'avenir est sombre. Et trois ans plus tard, en 1496, don Barthélemy qui a reçu des ordres précis de Guamiquina (Colomb) est déjà parti de la Vega, après s'être assuré que les fondations de la ville nouvelle, Nouvelle Isabelle, sont entièrement creusées. Le Xaragua, le plus vaste, le plus populeux et le plus policé des caciquats de l'île, doit-être, de la mouvance d'Isabella..

Bohéchio a appris sa marche et est inquiet sur ses desseins.

Anacaona, depuis l'enlévement sans honneur du courageux et fier Caonabo, vit à Yaguana auprès de son frère Bohéchio dont elle est l'héritière au trône cacical. Les appréhensions apaisées, elle prépare une fête somptueuse à l'adelantado. Et, dans la bourgade au beau GOAVE, c'est le joyeux départ des plus adorables filles et des plus beaux éphèbes. Hélas! il s'en reviendront chargés de victuailles et de redevances que tout le Xaragua devra payer à l'Espagnol. Aussi, I'Adelantado renouvellera-t-il plusieurs fois ses visites d'exploration dans le Xaragua.

Malgré les malheurs qui menacent le Xaragua, malgré les boulets qu'on commence à tramer, il n'y a pas moins de joyeuses agitations quand approche le solstice d'été. Personne, en vérité, ne voudra plus jamais manquer à cette fête nationale qui sera célébrée à la caverne sacrée d'où sont sortis le soleil, la lune et Louquo, qui n'est autre que le père Adam. De jolies mains pétrissent alors la pâte pour les gâteaux qu'on apporte en offrande. Les plus belles fleurs seront réservées pour garnir les corbeilles. Et si le butios * aura interprété un agrément des dieux. la joie du retour sera encore plus grande. Avec quelle pieuse précaution le chef de famille ne conservera-t-il pas alors le morccau de gâteau consacré! Les siens seront désormais immunisés contre les maladies et préservés des malencontres. Avec cette foi et cet espoir, on se console un peu de la charge du lourd tribut. 

La vie dans cette paisible et romantique nature coulera quand même, comme un ruissellement de poésie jusqu'au moment où "les fils du ciel", possédés du démon, marcheront avec le tonnerre et rempliront de cauchemars l'insouciante vie indienne qui sera remplie de gémissements et du bruit sinistre des chaînes se prolongeant d'année en année jusqu'à l'extinction de la race. (A suivre)

Extrait de Petit-Goâve
(Monographie) de Nemours Rigaud
Les Editions de l'Action sociale
B.P. 2471
Port-au-prince (Haïti)




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